Toumaï Deunang
NOUS SOMMES FIERS DE CE QUE NOUS SOMMES, SURTOUT DE NOTRE SPIRITUALITÉ
de Jean-Paul Pougala
-----------
Leçon publiée le 17 décembre 2014
-----------
Deux Rinvindaf Martial Ngompe de Nuremberg-1 (Allemagne) et Alix de Douala2, prince et princesse de la chefferie de Bafoussam m'ont invité hier après-midi du 16/12/2014 à assister à une des manifestations les plus marquantes de la spiritualité africaine, celle dédiée à la formation philosophique des enfants, des jeunes garçons. Cette cérémonie qui se déroule une fois toutes les semaines (la semaine de 8 jours dans le calendrier Bamileke) de la saison sèche, c'est à dire, jusqu'en février 2015 prochain.
Le thème philosophique de fond de l'initiation de ces adolescents qui vont bientôt devenir des adultes est de leur signifier de façon symbolique, les milles déguisements qu'ils devront être forcés de revêtir à cause de la vie dure des adultes qui les attend. Ainsi, selon les circonstances, ils seront bleus, raillés, blancs, marrons, noirs, verts, rouges.
Ce qui m'a le plus marqué sont les personnages trempés de boue, complètement noyés dans la terre boueuse.
L'explication ?
On m'a expliqué que les enfants en devenant adultes doivent savoir que durant leur vie d'adulte, ils ne seront pas seulement adulés ou aimés, mais surtout noyés dans la boue du mensonge et de la calomnie de tous ceux qui n'auront pas réussi comme eux, à rendre leur vie utile ou agréable. Et qu'ils devront savoir y faire face tout en sachant que la boue se lave, toute la boue qu'on vous a versée dessus se lave et le corps humain reste intrinsèque avec toute sa valeur fonctionnelle. La boue, elle disparaîtra avec le cours d'eau là où se termine la cérémonie. Ceux qui vous ont mis toute cette boue dessus auront perdu leur précieux temps à s'enfoncer dans le désordre mental. Parce qu'au final, ils ne sont pas plus normaux que ces personnages qui ont fait passé pour des fous en leur mettant autant de boue dessus. Ils sont dans un désordre mental, ils sont avant tout, des fous. Et malgré la douleur de leur méchanceté, il faut avoir la capacité d'éprouver pour eux, de la compassion, beaucoup de compassion. Car, contrairement à la boue dont ils sont spécialiste, le désordre mental ne partira pas avec l'eau.
Avec le temps, ces adolescents auront appris à faire face à la dureté de la vie. Alors que les auteurs de la boue, m'a-t-on expliqué, comme à cette dernière cérémonie de purification dans le cours d'eau, auront été oubliés depuis longtemps. Parce que l'histoire ne se rappelle pas des méchants.
Il y a des Noirs, surtout parmi les afro-descendants qui ont si honte de leurs origines africaines qu'ils préfèrent s'inventer des trucs bizarres supposés venir d'Egypte.
J'aimerais les inviter ici pour fréquenter cette école philosophique de la spiritualité africaine qui n'a vraiment rien à envier aux grands courants philosophiques de l'Occident.
Les intellectuels qui auraient dû traduire tout ceci en un langage plus moderne pour un plus grand nombre ont tous simplement sombré dans le mimétisme du créationnisme ambiant pour se sentir plus civilisés.
Mais ici à Bafoussam, la résistance spirituelle et culturelle n'a jamais faibli face à l'agression coloniale et l'imposition du christianisme. Nous sommes fiers de ce que nous sommes, de nos ancêtres et de ce qu'ils nous ont légué. Et nous n'avons point besoin de squatter la spiritualité des autres.
Ces enfants qui vont bientôt devenir des adultes auront appris durant des mois la complexité, le caractère changeant et l'adversité de la vie des adultes.
A nous les adultes de faire un effort pour les accueillir dans un monde de sages, moins conflictuel, moins triste et surtout plein de rêves.
N'est-ce pas aussi cela la continuation et l'objectif du Rinvindaf ce mercredi 17/12/2014 ici à Bafoussam ?
Jean-Paul Pougala
Bafoussam le 17 décembre 2014